Le bon et le mauvais motard

J’écris cet article suite aux nombreuses interventions de conducteurs de deux roues motorisés sur les réseaux sociaux. Notamment, les interventions des « vrais ». Des interventions qui n’ont pas manqué de m’estomaquer, ce qui en soit est déjà un exploit.

Alors c’est sûr, avant c’était mieux, blabla, trois tondus et un pelé sur les routes, blabla, des guerriers de la routes, des aventuriers du bitume, blabla, Barry Sheene, esprit de fraternité, blabla…

Oui mais voilà, maintenant sur la route il y 40 millions et des brouettes de boîtes-à-roues auxquelles il faut ajouter 10% de deux roues, soit pas moins de 44 millions d’individus, et c’est pas prêt de s’arranger.

Combien d’entre eux partagent réellement la route avec les autres? Combien sont des « motards »? Combien de ces « motards » ont l’esprit motard? Et combien sont des trous du cul?

Dis papa, c’est quoi un motard?

«Un motard, fiston, c’est quand tu as le permis gros cube et que tu as acheté une grosse moto.
– Hein? C’est tout?»

Et oui! Raté mon gars!

Comme le dit Maître Yoda : « Merveilleuse intelligence que celle des enfants. »

Oublier ce que tu as appris, tu dois!

Je vous propose de s’aventurer ensemble sur un chemin sinueux, voire périlleux. Je vous propose de laisser cinq minutes de côté votre arrogance effrénée, votre orgueil démesuré et votre égo monumental pour espérer tirer un quelconque enseignement de ces quelques lignes.
En d’autres termes, mettez de côté votre syndrome du trouduc et essayez de comprendre ce qui va suivre avant de le rejeter en bloc sur l’autel du votre supériorité infaillible.

Je vous propose de parler d’une chose qui nous est chère : l’essence.
Mais attention, pas celle que vous mettez dans le réservoir, non, celle qu’on trouve à l’intérieur des gens, qu’ils soient de braves motards ou de pauvres automobilistes.

Figurez-vous qu’il a existé, non qu’il existe, des personnes qui basent leur vie sur des réflexions millénaires et des expériences séculaires : les samouraïs. Et oui, les samouraïs ne se sont pas éteints, mais c’est un débat qui n’a pas sa place ici.

Les faces d’une même pièce, les versants d’une même montagne…blablabla

Mais on ne parlait pas d’essence? J’y viens.

Voyez-vous, en son temps, un samouraï pouvais être considéré comme le paradigme de l’être humain à l’apogée de son accomplissement. C’est à dire, l’aboutissement de l’esprit et du corps dans une seule et même personne, à un seul et même instant.
Et cet état de complétude n’étant atteinte qu’à la condition de continuer sur cette voie, jusqu’à la fin. Et leur vie n’étant soumise qu’à la condition de servir leur maître, jusqu’à la fin.

On pourrait penser qu’on ne pouvait pas trouver mieux, ou du moins pas aussi bien. Mais il n’en est rien.

Le Maître du thé, mais aussi les Maîtres des arts majeurs japonais, étaient respectés et admirés par les samouraïs. Et à bien des égards, ils étaient leur égal.

Mais enfin, comment est-ce possible? La tasse à thé n’est pas aussi tranchante qu’un sabre!

Figurez-vous qu’un Art, qu’il soit destiné à protéger et servir à l’aide d’un sabre, à tracer des traits sur une feuille, à faire fondre et frapper le métal ou à préparer un infusion, n’est pas tributaire des objets ou des circonstances.

L’Art n’est qu’une question d’essences. L’essence de celui qui le pratique et l’essence de l’objet qu’il façonne. De telle façon qu’il n’y a plus de différence entre la fin de l’un et le début de l’autre. Comme si l’artiste et le sujet ne faisaient qu’un, comme s’ils étaient les deux versants d’une même montagne, les deux faces d’une même pièce de monnaie.

Ainsi, tout pratiquant qui arrive à atteindre cet état (même à la pêche à la mouche) peut être considéré comme une Maître. Et certaines personnes peuvent le voir ou, du moins, l’apprécier.

L’essence est ce qui dirige chacun de vos gestes et chacune de vos pensées.

Ah ouais. Mais dis moi, c’est quoi le rapport aux motards?

Et bien voyez-vous, les motards sont un peu comme ces samouraïs. Ils affrontent le bitume avec leur bécane et sont au service de leur liberté.

Alors, au passage, le mot liberté employé ici n’en est pas une. Peut-être la faute à notre société qui le travestit allègrement et aux crieurs de foire qui s’en servent pour nous manipuler. Mais, encore une fois, ce débat n’a pas sa place ici.

Non, quand un motard emploie le mot liberté, en réalité il faut entendre : un profonde harmonie entre sa nature profonde d’Homme et la Terre qui le porte. Une profonde harmonie entre sa nature Terrienne et les éléments. Une profonde conviction d’être, enfin, vivant sur une route, sur une planète, dans un système solaire, quelque part dans l’univers.

Voilà à quoi un motard est soumis. A cette formidable sensation de vie intense mêlée à la satisfaction de braver le danger.

Ainsi donc, tout comme un samouraï est ou n’est pas un samouraï, un motard est ou n’est pas un motard.

Il n’y a pas de demi-motard, de vrai-motard, de bon-motard ou de mauvais-motard. Il y a juste ceux qui le sont et les autres.

Mais et les 2 puissance 8 catégories de motard alors ?

Ah! Celles là.

Elles n’ont pour seule utilité de séparer le grain de l’ivraie. Ce sont des outils que certains motards usent et abusent pour s’extraire eux-mêmes des sacro-saintes catégories des Poireaux et des Traine-savates.

Vous vous souvenez de mon histoire avec le samouraï, le Maître de cérémonie du thé, etc. Et bien, il existe d’autres types de personnes qui manient le sabre, comme les samouraïs…mais c’est pas pareil.

On trouve le ronin, un samouraï qui, pour une raison ou pour une autre, a oublié ou perdu son devoir de servitude mais reste attaché à son code d’honneur.

Le ninja, qui respecte son propre code d’honneur, où l’honneur n’y a que peu de place.

Le bushi, le simple guerrier quidam. Il ne brille pas par sa maitrise du sabre, mais il fait le job.

Les motards, c’est un peu pareil. Il y a ceux qui le sont, et les autres, vous savez, ceux qui utilisent un deux-roues sans pour autant être un motard.

On trouve donc :

  • Le ronin-trouducus
    Il ressemble à un vrai motard, mais il a oublié pourquoi il enfourche sa bécane.
    Il a perdu de vue la servitude de sa propre liberté et ne cherche qu’à se déplacer, faire le plein d’adrénaline, ou tout simplement montrer qu’il sait très bien ressembler à un vrai motard.
  • Le ninja-glandus
    Lui son crédo c’est d’être un badboy. Il défie tout ce qui se présente et fait chier tous les autres usagers. On le trouve principalement sur des engins à gros moteurs avec juste une poignée à tourner.
  • Le bushi-bisounoursus
    Alors lui, il ne fait pas de vagues avec sa bécane. Des fois, il se fait mal tout seul comme un grand, des fois il se fait peur sans même faire exprès, et on peut même en trouver qui démarrent sans avoir retiré le bloque disque. Mais il est heureux, il connait ses faiblesses et prend du plaisir à rouler.
  • Le samouraï-motardus
    Ce sont les plus faciles à repérer, ils sont toujours bien équipés et roulent sous un soleil de plomb, une pluie battante, du verglas et un mètre de neige fraîche.
    Ils s’arrêtent toujours pour aider les autres usagers de la route et peuvent changer un pneu avec les dents.
    Si vous en réveillez un à trois heures du matin pour qu’il vous fasse le route-book d’un Sainte-Verge -> La Trique aller retour, bein il vous le fait!

Dis papa, comment on fait les motards?

Maintenant, on voit bien que la définition donnée par le père à son fils est bien naïve. Un motard, c’est bien plus que ça. Être un motard, c’est avant tout un état d’esprit.

Un motard c’est un aventurier, un ami qu’on n’a jamais rencontré, la promesse d’une main tendue. Un motard, c’est quelqu’un qui préfère se déplacer à moto sous la pluie plutôt qu’en boîte-à-roues sous le soleil.

C’est très très loin des dizaines de définitions et des dizaines de catégories que peuvent faire « les motards, les vrais ». Ceux-là, ils se mesurent à leur degré d’arrogance et de connerie. Inutile de préciser que ce sont bien ces individus qui sont à l’origine de notre mauvaise image et qu’ils en sont fiers.

Si nous sommes un tant soit peu honnête, les vrais motards sont rares.

Et dans le meilleur des cas, nous ne le somme que de temps en temps. Il y a certainement mille raisons à ça, mais il faut bien reconnaître qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.

La bonne nouvelle? Rien n’est figé dans le marbre. Nous pouvons nous améliorer, comme le samouraï, nous pouvons cheminer sur la voie du motard et atteindre l’harmonie du bitume transcendantal.

A.S.P.H.A.L.T.

Les samouraïs ont leur bushido, et bien nous, nous avons l’A.S.P.H.A.L.T. : un code ancestral qui régie la vie de quelques irréductibles gaulois.

  • A pour Assistance
    Tout les deux-roues en rade tu aideras
  • S pour Sécurité
    Tout ton putain d’équipement de sécurité tu porteras
  • P pour Partage
    Toutes la route n’est pas à toi en laisser un gros morceau tu dois
  • H pour Habileté
    Ton habileté à manier ta brêle tu perfectionneras
  • A pour Alliance
    Tes frères motards te soutiennent et tu les soutiendras
  • L pour Liberté
    Ta liberté de motard chèrement tu défendras
  • T pour Tanner
    Ta peau du cul sur la selle tu tanneras

Et ouais. Mais moi on m’a dit qu’être motard c’est avoir le permis gros cube, un gros cube et faire le signe de la victoire quand on en croise un. Mais c’est quoi qu’on a gagné au juste ?

Le salut : Vé!

Le « salut des motard »?

Ce n’est rien d’autre que de faire signe à un gars au loin. C’est comme quand vous croisez quelqu’un dans un ascenseur ou sur un trottoir, il y en a qui le voient et s’en foutent, il y en a qui rêvassent et ne le voient pas, il y en a qui le voient et ne savent pas quoi en faire, etc.

Et figurez-vous qu’ils ont le droit de le faire. Essayer de leur faire remarquer que ce sont des trous du cul n’aura qu’un seul effet : montrer que vous en êtes un aussi.

L’humanité est remplie de rêveurs, de cons (beaucoup) et de sympas (un peu). Fort heureusement, être con n’est pas passible de la peine de mort, sinon il ne resterait plus grand monde pour faire le motard sur la route.

Alors oui, en France les motards se saluent, mais :

  • ce n’est pas parce que vous saluez votre prochain que vous êtes un motard,
  • ce n’est pas parce que vous saluez votre prochain que vous avez l’esprit motard,
  • ce n’est pas parce que vous ne saluez pas systématiquement que vous n’êtes pas un motard.

Putain, mais qu’est-ce qu’il raconte encore celui là !?

Même si certains s’en défendent, nous avons tous des valeurs. Des valeurs auxquelles nous pouvons faire des entorses, que nous pouvons tempérer ou nourrir. Des valeurs qui peuvent être influencées par l’inconscient collectif d’une civilisation ou d’un milieu.

Et le milieu des motards (au sens large) est un milieu avec un sacré inconscient collectif ou plutôt une zone d’imaginaire collective.

Si je vous dis : nous sommes dans la station ISS en orbite autour de la Terre, je vous lance une bielle (sisi). Que fait-elle?

Vous allez me dire qu’elle flotte dans les airs en ligne droite, peut-être percute-t-elle quelque chose et rebondit en tournoyant doucement.

Pourquoi me diriez-vous ça? Êtes-vous astronaute? Êtes-vous jamais allé dans l’espace?

Vous me diriez ça parce que nous avons un imaginaire collectif hérité de la culture de notre civilisation!

Et chez les motards, qu’écris-je, les Motards s’il vous plait, l’imaginaire va bon train.

Alors, même si vous avez des valeurs personnelles, lorsqu’elles seront confrontées au milieu « motard », il y a fort à parier que vous vous asseyiez dessus.

Si ce n’est pas déjà à la lecture de cet article, je vais tâcher de remettre un peu d’ordre dans votre cervelle mise à mal :

  1. Il n’y a pas 36 sortes de motards.
  2. Vous n’êtes pas de la meilleure des sortes.
  3. Vous n’êtes pas le meilleur des motards.

Tout ce que nous avons tous à faire peut se résumer ainsi : être mieux qu’hier ou tout du moins pas pire. En cas de doute, reportez-vous à l’A.S.P.H.A.L.T., sa sagesse pourrait vous être utile.

Mais qui est-ce qu’on salue alors?

Pour répondre à cette question existentielle que se posent certains motards sur les réseaux sociaux, et puisque c’est en partie ce qui m’a poussé à écrire cet article, si vous vous demandez encore qui saluer et pourquoi, voici une base que vous pourrez moduler suivant vos valeurs personnelles :

  • Je salue systématiquement (ou presque) tous ceux qui me saluent. Et oui, le petit jeune en 50cc qui rêve d’avoir quelques années de plus pour passer le permis, la maman qui mène sa fille à l’école en Rebel 125, le groupe de 20 Dax en sortie du dimanche. Tous ces gens méritent que je leur rende leur salut.
  • Je salue systématiquement (ou presque) les motards de tous poils. Y compris les gendarmes, qui font leur boulot, qu’on aime ou qu’on aime pas, mais qui sont de sacrés Motards.
  • Je ne salue absolument jamais les scootéristes qui ne sont bon qu’à se mettre en danger, mettre la vie des autres en danger, et donner une mauvaise opinion sur les deux-roues en général.
  • Je ne salue absolument jamais ceux qui sont en tong, short et débardeur, ceux qui ont le casque à l’envers et détaché. Parce que ça, il n’y a que moi qui ait le droit de le faire.

Il est important de noter que le salut de la main n’est pas juste tendre deux doigts par dessus le levier :

  • soit vous saluez comme il se doit en levant la main du guidon (très visible),
  • soit vous sortez la main et posez la paume au bout du guidon (visible),
  • soit la situation ne le permet pas et alors vous faites simplement un salut de la tête (pas toujours visible),
  • soit la situation ne vous autorise pas à dépenser de l’attention pour un quelconque salut et vous restez concentré sur la route.

L’esprit motard aux Motards et les vaches seront bien gardées

Combien se vantent de faire un salut au voisin en 125 et ne s’arrentent pas quand ils sont en boîte-à-roues et croisent un motard en rade sur le côté? Combien n’aiment pas rouler avec d’autres? Combien évitent d’échanger, de discuter, d’apprécier les autres motards et usagers de la route?

On a l’esprit motard ou on ne l’a pas.

Je connais des gars qui n’ont pas le permis et qui sont plus « motard » que vous et moi.

Je connais des gars qui se vantent d’avoir roulé avant même d’avoir marché et qui ont bien d’autres choses à faire que de s’arrêter pour aider ceux en rade sur le bord de la route ou de discuter amicalement avec eux.

Mais vous voulez que je vous dises, ouais tout ça là, cet article, bein c’est de la merde en branche. Parce qu’en fait, la question n’est pas de savoir si je dis quelque chose de vrai ou de faux. La question n’est pas de savoir qui je connais ou pas, ce que je fais ou pas, ce que je pense ou pas.

La question est de savoir quel homme ou quelle femme vous êtes. La question est de savoir quel motard vous êtes et lequel vous voulez devenir.

Je crois que nous sommes tous dotés d’une force remarquable : la capacité d’apprendre de nos erreurs. Vous avez la capacité de tirer un enseignement de ces quelques lignes, quel qu’il soit. Et si tel est le cas, si au moins une personne en tire un quelconque avantage, alors cet article n’aura pas été vain.

Il n’y a peut-être pas de bons et de mauvais motards, peut-être qu’il suffit d’être assez malin ou assez chanceux pour pouvoir devenir un vieux motard.

Respectons nous, les uns et les autres.

Que la route soit avec vous ! A jamais.

Vé!

~PPGk

joe-bar

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